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Quand la vie choisit un autre chemin : notre histoire interrompue

Histoire de Marc et Séréna

Depuis mon plus jeune âge, je voulais être maman.

Je jouais à la poupée, oui, celle qui faisait pipi et caca. Je harcelais ma mère pour qu’elle m’achète de vraies couches de nouveau-né pour mes poupées et des pyjamas. Je rêvais de ce rôle, je l’imaginais, je l’idolâtrais. Je le contemplais ardemment avec cette naïveté d’enfant, mais j’avais si hâte ! Je posais des questions, je savais comment une petite graine venait s’installer dans le ventre d’une maman, qu’il fallait un papa et une maman. Dans ma tête d’enfant, ça, je l’avais compris de manière précoce.

Mais ce n’est qu’à l’adolescence, en voyant ma sœur plus âgée, que j’ai réalisé ce que c’était vraiment d’être enceinte, de sentir son ventre bouger, la vie en elle. J’ai vu naître mon neveu à l’âge de 14 ans à peine. Mais une chose m’avait échappé : devenir maman, ce n’est pas si simple.

Ce ne sont pas tous les petits êtres qui germent jusqu’à éclore. Et ça, je l’ai découvert jeune adulte, encore naïve devant l’idée de la facilité. J’ai arrêté la contraception, puis deux ans d’essais ont suivi, deux ans de calculs d’ovulation, d’observations et de rapports programmés à l’horaire. Comme toujours, je pensais avoir le contrôle. Puis enfin, un petit être s’est installé au creux de mon ventre.

J’ai immédiatement appelé ma grande sœur en FaceTime pour lui annoncer en primeur ! L’euphorie entre sœurs, partager enfin ce moment… Elle le savait avant même que je parle. J’ai organisé une annonce à l’entrée de la maison où mon conjoint découvrirait la nouvelle grâce à mon t-shirt “KEEP CALM, I’M PREGNANT”. (Je vous ai dit, j’étais prête pour cet événement, je l’attendais, ce bébé.) Mon conjoint, qui a 14 ans de plus que moi, l’attendait aussi depuis longtemps, cette femme avec qui il fonderait une famille. Ce soir-là, je l’ai accueilli avec ce t-shirt, j’avais préparé un pyjama de bébé et mon test de grossesse avec les deux petites lignes roses ! Ouiii, keep calm chéri, c’est parti ! Il a figé à la porte, croyant à une blague. Non, c’était vrai de vrai. Ce câlin plein d’espoir, de joie, d’amour, enfin. Cet homme que j’avais choisi, lui qui m’avait choisie, et ce petit être qui nous avait choisis.

Mais la vie en a décidé autrement, et cette joie immense n’aura duré que quelques semaines… Ce matin-là, je m’en souviendrai toute ma vie. Chéri était parti au golf, et moi, je faisais la sieste. Des crampes ont commencé à me prendre. Mon chien Leica, un grand danois, et mon chat le savaient. Je dis souvent qu’ils ont un sixième sens, car ce matin-là, ils étaient tous les deux collés à moi. Mon chien a posé sa tête sur mon ventre…

Puis, j’ai senti un liquide couler sur mes cuisses. Je me suis levée, et le saignement s’est amplifié. Une panique. Une sensation de “Non, ce n’est pas vrai, je ne vis pas ça pour de vrai”. Je me rends à la salle de bain, et mon chien me suit, le regard rempli de peine. J’ai su, à travers ce regard, que la nature avait décidé autrement pour nous trois.

J’ai appelé mon conjoint : “Je saigne.” J’ai appelé ma sœur. Je n’ai pas eu besoin d’en dire plus, les larmes et l’effroi s’étaient emparés de moi.

J’ai appelé le 811 :

– Qu’est-ce que je suis censée faire ?

On m’a dit que ça pouvait arriver, des pertes, de surveiller le flux.

Mais plus les heures passaient, plus je saignais. Mon chum est arrivé, on s’est collés, figés, dans cette montagne russe d’émotions : peut-être que ce ne sont que des saignements ? Finalement, nous sommes allés à l’hôpital, à l’urgence. Ils ont été gentils et empathiques. Il faisait nuit, j’étais épuisée. On a vu le médecin peu de temps après, il m’a dit qu’on ferait une échographie intra-utérine pour voir si un curetage serait nécessaire.

Ce mot m’a glacée, je ne voulais pas vivre ça, c’était trop. Après l’échographie, nous attendions dans une salle. La médecin est entrée :

– Je suis vraiment désolée pour vous. Votre bébé n’y est plus, vous avez perdu naturellement le fœtus, il n’y aura pas besoin de curetage.

Et là, c’était comme si tout l’espoir que ce ne soient que des saignements normaux ou un cauchemar s’évaporait. Mon amoureux, avec ses yeux en larmes, sa peine… j’avais l’impression d’avoir échoué, et lui se sentait démuni. Un câlin à nouveau, pour ce petit être… qui n’était plus avec nous, mais qui resterait dans nos cœurs.

À ce moment-là, je n’aurais voulu être nulle part ailleurs que dans ses bras.

Les jours qui ont suivi ont été flous. Il a fallu annoncer cette “nouvelle”. Il me semble que ce mot est souvent utilisé pour des choses positives, mais cette fois-ci, c’était une mauvaise nouvelle après une bonne… Est-ce que tout cela est réel ?

Ouf. Toutes ces questions :

Qu’est-ce que j’ai fait ou pas fait ?

Pourquoi nous ?

Pourquoi après deux ans d’attente ?

Et les phrases semi-maladroites et naïves des gens qui tentent tant bien que mal de te soutenir avec des mots du genre “Tu es jeune”, “Aawww ça arrive souvent”, “Tu vas voir, le prochain va s’accrocher”. Si au final, simplement dire “Tu sais, je n’ai pas de mot pour ta peine, mais je suis là” aurait suffit.

Puis, une amie m’a dit une phrase qui m’a profondément apaisée dans mon chagrin :

– Ce petit être avait besoin de se sentir profondément désiré, c’est ce qu’il est venu chercher au creux de ton ventre.

Cela m’a apporté du réconfort, car je crois aux petites âmes qui flottent, qui choisissent leur passage vers la vie. Pourquoi ce moment avec moi ? Pour sentir qu’il était aimé, désiré. Eh bien oui, si j’étais son passage d’âme pour cet amour inconditionnel, alors j’accepte. Mon conjoint et moi, nous nous sommes blottis dans le lit, à pleurer ensemble celui qu’on avait déjà imaginé dans nos bras.

À toi, petit être, tu m’as fait cheminer à travers cet apprentissage de la fertilité, bien plus complexe que je ne l’avais imaginé. C’est notre histoire, notre aventure, et nos cœurs sont encore avec toi, petite âme. Et de cette histoire, je tire une leçon : nous n’avons pas le contrôle sur tout, et c’est déroutant quand on souhaite quelque chose aussi fort.

Le lâcher-prise sur ce désir profond d’être maman… je ne crois pas que c’est possible, mais ce que je sais, c’est que mes émotions sont valides, et mon histoire l’est tout autant, tout comme la tienne petite maman.

À toutes celles qui traversent cela, je pense à vous, et je vous envoie mes pensées .

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Une réponse

  1. Quant la vie choisi un autre chemin; Notre histoire interrompue.
    Le sujet du deuil périnatal est un thème extrêmement sensible et difficile à aborder. Séréna, ton texte touche profondément, directement au cœur. Le fait que tu es pris le temps de partager votre histoire, votre vécu, est admirable. Cet écrit apportera un soutien précieux à de nombreuses personnes et ce, à différents niveaux, même à celles qui n’ont pas vécu ce type de deuil.

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